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FRANCOFOLIES de Abel Carballiño

FRANCOFOLIES de Abel Carballiño

Le blog des mordus de France, de français, de francophonie... Para los locos por Francia, el francés, la francophonie...


L' HISTOIRE EN BD

Publié par Abel Carballiño sur 3 Octobre 2010, 00:14am

Catégories : #B.D. - Comic

 

 

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Extrait de «Napoléon Bonaparte» (Casterman).

Si l'histoire peut se faire savante, elle repose sur des aventures humaines dont la bande dessinée se nourrit depuis longtemps. Mais tout n'est pas garantie de qualité, ni de véracité.


Apprendre l'histoire en s'amusant: face à ce souhait, la bande dessinée fait souvent figure de solution miracle.

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ASTERIX ne permet-il pas de découvrir Jules César, ou TINTIN   Al Capone? La sensibilité des jeu nes à la puissance de l'image ne suffit pourtant pas à garantir que toute oeuvre du 9e art sera le meilleur guide pour découvrir le passé. Loin de là. Car dans la production globale de la BD, supérieure à 4000 titres par an, l'histoire se trouve conjuguée à tous les niveaux de sérieux ou de fantaisie.

 

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Al Capone dans " Tintin"

 


Longtemps la lecture des «illustrés» a fait frémir les adultes, inquiets pour leurs enfants. Les éditeurs de publications pour la jeunesse y répondirent par des oeuvres à vocation éducative et édifiante. Ainsi, à partir des années 1950, le  scénariste YVES DUVAL signa pour le journal Tintin plus de 1500 Histoires authentiques. En quatre planches, elles formaient un récit complet en ouverture de l'hebdomadaire. Grands savants, militaires, vies de saints: une bibliothèque de l'héroïsme et de l'exemplarité, dont on retrouve aujourd'hui des rééditions remarquables, avec, par exemple, Monsieur Vincent. L'ami des pauvres, oeuvre oubliée de Raymond Reding (1).

oncle paul                                         belles histoires 

Le journal Spirou ne  fut pas en reste, avec ses célèbres Belles Histoires de l'oncle Paul, qui bercèrent des générations de lecteurs.

 

Depuis quarante ans, les choses ont bien changé. Au début des années 1980, Jacques Glénat, alors jeune éditeur, crée la collection «Vécu», qui renouvelle le genre historique par l'introduction de fictions dans une époque ciblée.


 

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les 7 vies

 

 

Coup de maître avec Les 7 Vies de l'Epervier, dont l'ambiance poisseuse rompt avec l'hagiographie, c'est le moins qu'on puisse dire: coucheries et turpitudes à la cour d'Henri IV, les années 1970 sont passées par là.


Depuis, le marché de la bande dessinée explose et s'industrialise, avec l'essor de la science-fiction et de la fantasy. Dès lors, l'histoire fait de plus en plus office de réservoir à décors, costumes, symboles, péripéties... et clichés, où s'en donne à coeur joie l'imaginaire d'auteurs parfois incultes. Dès lors, la  frontière entre invention et authenticité se brouille. De nos jours, l'éditeur Delcourt se place dans cette lignée, avec sa collection «Histoire histoires», qui dit s'intéresser aux «univers historiques» afin d'«inventer de nouvelles fictions et pourquoi pas, réinventer l'Histoire»! CQFD.

 


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trone argile

 

Et pourtant, une série telle que Le Trône d'argile a le mérite d'explorer de façon passionnante les conflits de succession de la guerre de Cent Ans (2).

Dans la profusion actuelle des titres, des éditeurs se distinguent néanmoins par leur soin à aborder l'histoire avec plus de s érieux que de désinvolture:

Le plus étonnant est sans doute l'opiniâtre Reynald Secher, docteur en histoire qui, avec sa propre maison d'édition, et sans le soutien d'aucun diffuseur, cherche, avec méthode et à petit prix, à " Vulgariser ses travaux par l'image ". Utilisant la bande dessinée comme instrument pour toucher le grand public, il  y concentre le maximum de connaissances, au risque d'un académisme parfois trop formel.


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Mais son Histoire de Bretagne en dix tomes a connu un succès réel, preuve d'une attente sur ce créneau (3).

Les Editions du Triomphe, quant à elles, s'inscrivent dans la tradition des publications des années 1950, avec «des histoires vraies de personnages célèbres ou à connaître». «Plus personne ne le faisait», explique leur fondateur, Didier Chalufour. Après avoir réédité des titres délaissés de Jijé, ce dernier a cr éé sa propre collection, «Le Vent de l'Histoire». Un créneau archiclassique, avec, par exemple, ses récents Cadets de Saumur ou Vauban (4).

 

 

Cadets de Saumur

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Cadets de Saumur                 

 

 

 

Vauban

Vauban

 

 

Dans la lignée du géant que fut JACQUES MARTIN,  créateur d'Alix, et féru d'antiquité, l'éditeur belge Casterman dévoile un fort tropisme vers les drames ancrés dans l'histoire. C'est même une galaxie de titres, assez inégaux, qui, sous la bannière «Jacques Martin présente», permettent de voyager à travers tous les siècles, et sous toutes les latitudes. Une bonne surprise est arrivée récemment, avec un superbe Napoléon Bonaparte (5).

 


Mais d'autres auteurs s'y distinguent aussi, tels HUGO PRATT et ses Histoires de guerre enfin éditées (6),  TARDI, bien connu pour son traitement de la Grande Guerre, ou MARYSE ET JEAN-FRANÇOIS CHARLES  qui, avec  Africa Dreams, poursuivent leur visite du passé européen, ici au Congo belge.

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  La bande dessinée se saisit de plus en plus souvent d’un devoir de mémoire. En juin 2010, le roi des Belges Albert II se rendra pour la première fois dans la République démocratique du Congo pour les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de cet État créé par le roi Léopold II en 1885. Quelques semaines avant, Casterman publie le premier volet d’Africa Dreams qui évoque les sombres heures de la colonisation de cet immense Etat grand comme quatre fois la France ou quatre-vingt fois la Belgique. Un curieux pied de nez de l’éditeur accusé dans de nombreux pays de continuer à publier sans avertissement Tintin au Congo, paru à partir de 1930 en pleine période coloniale. Cette fois, les scénaristes Maryse et Jean-François Charles ont cherché à reconstituer de manière romancée mais très documentée cette page controversée de l'histoire coloniale belge. 

 Le Congo belge est un état créé à Bruxelles par Léopold II qui n’y a jamais mis les pieds. Sa constitution a été permise grâce à l’explorateur anglo-américain Henry M. Stanley. Après d’âpres négociations, la création est ratifiée en 1885 par le traité de Berlin. La propriété du monarque est un investissement destiné à être exploité. Les richesses de l’époque en sont l’ivoire et surtout le caoutchouc. Dans cette colonie, les Belges sont peu nombreux. Parmi eux, Augustin Delisle, un médecin belge a construit une immense plantation M’Bayo et reconstruit sa vie avec une ribambelles d’enfants issus de plusieurs lits. A Bruxelles il a abandonné Paul, son fils d’un premier mariage, qui embrasse une carrière ecclésiastique. Le jeune séminariste décide de se rendre au Congo sur les traces de son père à la fin du XIXe siècle. Il va découvrir un tout autre visage de l’Afrique coloniale…

 

 

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Les époux Charles ont confié le dessin à Frédéric Bihel dont le style plein de sensibilité, dans une filiation proche de Jean-François Charles, est accentué par les couleurs directes dans une gamme chromatique pastelle proche des albums Indian Dreams ou War & Dreams. Ils se concentrent sur un scénario construit avec soin et équilibre pour rendre compte du rôle du roi, de Stanley dont Hubinon et Joly avait réalisé en 1955 une biographie qui s’arrêtait en 1878, et des agents ou mandataires chargés de tirer le maximum de profit du territoire occupé. Pour ce faire, ils élaborent une saga familiale qui traverse cette période tourmentée connue sous le terme caoutchouc rouge. L’effet est parfaitement réussi au point que le lecteur prend plaisir à approfondir la question d’abord dans le supplément didactique de huit pages et pourquoi pas au Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'éditeur témoigne souvent, cependant, et c'est là un enjeu de taille, d'un traitement des sujets selon la mentalité la plus contemporaine. Vocabulaire inadapté, laïus politiquement corrects, désenchantement nihiliste: raconter le passé avec l'anachronisme constant de la morale moderne, incarnée dans les personnages et les péripéties, ce n'est pas loin de la tromperie. On touche là l'identité de la bande dessinée. Outil narratif, elle impose une dramatisation au récit, l'appel aux émotions, et privilégie l'identification du lecteur à un personnage principal. Support ramassé, elle contraint à la sélection, sinon à la simplification. Instrument visuel, elle informe par l'image, tout en cherchant le spectacle. Il reste donc, face à chaque album, une question finale et déterminante: bande dessinée et histoire, qui sert qui?

 

(1) Monsieur Vincent. L'ami des pauvres, de Raymond Reding, 60 p., Les Editions du Lombard,

(2) Le Trône d'argile, de Nicolas Jarry, France Richemond, Theo et Lorenzo Pieri, 4 tomes parus, Delcourt,

(3) Editions Reynald Secher, www.reynald-sechereditions. com,

.(4) Editions du Triomphe,www.editionsdutriomphe.fr,

(5) Napoléon Bonaparte, t. 1, de Jean Torton et Pascal Davoz, Casterman,

(6) WWII. Histoires de guerre, d'Hugo Pratt, Casterman, 

 

 

Si cela vous intérésse, voilà un billet "savant" sur Didactique de l'Histoire et BD, avec des liens et bibliographie.link

 

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